La semaine de la mode autochtone de Toronto

Sage Paul
2022
Sage Paul travaillant en studio.
Sage Paul travaillant en studio. Photographie prise par Lautens/Toronto Star via Getty Images.

Je suis la directrice artistique de la semaine de la mode autochtone de Toronto, ainsi qu’une artiste active dans le domaine de la mode et des costumes pour les représentations artistiques, le cinéma, le théâtre et la danse. Bien que ma pratique touche principalement les arts, mon travail me place au carrefour de l’art, de la culture, de la mode et de l’économie. À différents moments au cours de plus de 15 ans de travail professionnel dans le domaine des arts, j’ai travaillé avec des centaines d’artistes autochtones, toutes disciplines artistiques confondues, qui avaient chacun une vision artistique distincte et des liens multidimensionnels avec leur situation, leur ascendance et leur culture. L’art est une forme d’expression qui puise sa source profondément en nous et qui constitue un aspect intrinsèque d’une culture unique. De ce fait, l’art et la culture sont vastes, complexes, ancestraux et évolutifs. J’ai vécu et j’ai été témoin d’une création, d’un progrès et d’une célébration incroyables dans les arts et cultures autochtones. Cependant, il y a de tout dans un spectre et ces réalisations exaltantes ont un revers. Dans le cadre de mon travail, je continue de ressentir et de constater les conséquences du mésusage, du manque de compréhension et du vol de la culture autochtone à des fins lucratives. Autrement dit, l’appropriation culturelle et ses symptômes continuent d’agir comme un obstacle au succès, à l’avancement et à la représentation des peuples autochtones, de notre art et de notre culture.

« L’art est une forme d’expression qui puise sa source profondément en nous et qui constitue un aspect intrinsèque d’une culture unique. »

Lorsqu’il est question d’appropriation culturelle dans le domaine de la mode, de l’artisanat et des textiles, la plupart des gens sont soit fatigués d’en entendre parler, soit conscients du fait qu’il s’agit de la forme d’appropriation culturelle la plus courante, c’est à dire le récit inexact de l’histoire ainsi que l’utilisation abusive ou le vol de l’imagerie et des symboles autochtones. Les stylistes non autochtones s’inspirent souvent de la culture autochtone pour créer des collections de mode d’inspiration autochtone sans consulter les communautés autochtones et sans collaborer avec eux, en effectuant peu ou pas de recherches et en reprenant des stéréotypes courants. De telles collections reposent sur de bonnes intentions maladroites, ou sur la perspective de créer quelque chose de « nouveau » et de vendable. Souvent, l’argument utilisé pour défendre de telles collections est que le créateur a été inspiré par la beauté de la culture autochtone et qu’il l’a en fait honorée. Par exemple, en 2015, une collection appelée « D Squaw » produite par la maison de couture canadienne D Squared a décrit sa collection comme ceci : [TRADUCTION] « L’enchantement des tribus indiennes canadiennes. L’attitude confiante de l’aristocratie britannique. Dans un jeu de contrastes captivant, une ode aux tribus amérindiennes rencontre le noble esprit de la vieille Europe ». Les vêtements de la collection étaient parsemés de formes géométriques, de morceaux de fourrure, de broderies et de motifs délicatement tissés inspirés des cultures autochtones, le tout sur fond de vêtements d’inspiration militaire britannique. Un certain nombre de questions ressortent de cette description. Tout d’abord, l’utilisation de « D Squaw » est un jeu de mots fondé sur l’insulte désobligeante et raciste « squaw » utilisée pour dénigrer les femmes autochtones. L’utilisation d’insultes racistes a des effets très dangereux qui entretiennent et perpétuent la haine, la violence et l’ignorance. Il est particulièrement inquiétant de voir l’utilisation ignorante d’une telle insulte raciale envers les femmes autochtones; pendant ce temps, les femmes autochtones connaissent des taux d’abus et de violence parmi les plus élevés, et sont les plus susceptibles d’être enlevées ou assassinées. Ensuite, la description de cette collection romance et mythifie les véritables événements et les réalités actuelles de la colonisation des peuples autochtones par des colonisateurs comme les Britanniques. Enfin, les compétences et les techniques utilisées dans la collection de mode pour illustrer la culture autochtone effacent et homogénéisent le symbolisme, l’artisanat et l’importance des centaines de cultures autochtones uniques à travers l’Amérique du Nord et les connaissances millénaires que ces compétences renferment. Les projets du genre perpétuent le droit d’exploiter et de voler les peuples autochtones pour en tirer un profit.

Ce type d’appropriation culturelle manifeste se produit de moins en moins souvent, car les gens sont de plus en plus conscients du fait qu’elle est inauthentique, offensante et raciste, ou qu’elle sert de prétexte pour encourager le racisme. De nos jours, lorsqu’il est question de la création d’œuvres par des peuples autochtones ou d’autres peuples issus de la diversité ou à leur sujet, l’appropriation culturelle est taboue et elle est souvent au premier plan lorsque la création d’une œuvre culturelle est envisagée. Cette perspective pourrait gagner en popularité à mesure qu’il devient plus courant de répondre aux attentes de la société en matière de diversité et d’inclusion dans les différents secteurs d’activité. De nombreuses organisations et entreprises sont tenues de garantir l’authenticité et l’intégrité de l’œuvre culturelle qu’elles créent ou dont elles s’inspirent. Toutefois, la plupart de ces initiatives en faveur de la diversité ne sont que cosmétiques ou unilatérales. Lorsqu’on voit un projet en apparence « autochtone » ou « issu de la diversité », il est important de se demander : « Que s’est-il passé dans les coulisses de ce projet? Que s’est il passé dans les échanges sur la collaboration ou dans le cadre de la relation? » Actuellement, le moyen le plus largement accepté pour s’assurer que les créateurs représentent de façon appropriée les personnes issues de la diversité consiste à fournir des preuves, par exemple en montrant des visages de personnes issues de la diversité dans le cadre d’une campagne de marketing ou en cochant la case « diversité » sur un formulaire. Ces tactiques ne répondent pas aux questions précédentes, pas plus qu’elles ne prouvent que l’inclusion de personnes autochtones n’était pas qu’une simple mise en scène ou que le créateur autochtone avait réellement un pouvoir de décision.

Par exemple, un concepteur autochtone est embauché pour prendre part à un projet « d’inspiration autochtone » piloté par un responsable non autochtone. Toutefois, le responsable du projet a réduit le titre du poste à « concepteur autochtone », et la description du poste souligne que le candidat devra agir en tant que consultant et non en tant que concepteur principal jouant un rôle créatif clé. Dans ce scénario, le responsable peut cocher sur sa liste le fait qu’il a engagé un concepteur autochtone (mais a probablement aussi engagé un concepteur principal), indiquer que le concepteur autochtone a été consulté pendant le projet et déclarer que le projet respecte les principes de diversité et d’inclusion. Dans un tel cas, le concepteur autochtone a été exploité pour soutenir la vision du responsable et s’assurer que le projet est perçu comme étant « authentique » et « diversifié ». Rien ne garantit que les recommandations du concepteur autochtone seront mises en œuvre. En fin de compte, le projet est estampillé à l’extérieur comme étant culturellement approprié, mais à l’intérieur, les échanges et les pouvoirs au sein de la relation ne sont pas équilibrés. Le fait d’inviter une personne autochtone à participer à un projet sans lui accorder une quelconque autorité ou un pouvoir égal sur le projet est un symptôme de l’appropriation culturelle. Dans ce scénario, la personne responsable n’avait pas la compréhension, l’expérience et la confiance nécessaires pour travailler, communiquer ou collaborer avec des personnes en dehors de son cadre habituel (qui est souvent officieusement colonial).

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un collaborateur pourrait ne pas faire confiance à un concepteur autochtone pour jouer un rôle de leadership, notamment les stéréotypes et le racisme, un manque de compréhension par rapport à la manière de planifier le travail entre plusieurs approches culturelles, le simple fait de ne pas connaître de concepteurs autochtones possédant l’expérience de l’industrie nécessaire pour mener à bien le projet, ou le fait qu’il soutient des pratiques historiquement oppressives, aujourd’hui considérées comme du « colonialisme déguisé ». Lorsqu’il s’agit de mode, d’art ou de commerce, il existe un lien avec l’oppression et l’exclusion historiques des peuples autochtones et la marchandisation à bon marché de notre art et de notre culture. Avant la colonisation, l’art et les cultures autochtones étaient essentiellement utilitaires – se manifestant dans la mode, la poterie, l’architecture et la nature –, et ils étaient créés avec un but et une signification porteurs d’une valeur immense. Depuis la colonisation, la valeur culturelle, monétaire et fonctionnelle des œuvres réalisées par les créateurs autochtones a été réduite à des marchandises digestes et kitsch. Cela a des répercussions sur les artistes autochtones d’aujourd’hui, car ils ne disposent que d’espaces symboliques où présenter leurs œuvres ou les vendre au détail; ils sont en concurrence sur un marché d’œuvres, de stéréotypes ou de biens d’inspiration autochtone inauthentiques offerts à des coûts bien inférieurs, ou encore ils sont contraints de créer des œuvres selon des normes eurocentriques pour être reconnus comme des artistes légitimes. Par exemple, en se promenant dans une grande galerie d’art, on peut voir des peintures représentant la culture autochtone, une peinture réalisée par un artiste appartenant à une poignée d’artistes visuels autochtones idolâtrés ou une exposition spéciale mais temporaire d’art autochtone contemporain. En sortant de la galerie par la boutique de cadeaux, on peut acheter quelques tirages de ces peintures ou quelques bibelots peu coûteux fabriqués en Chine, comme un bijou. De même, on peut se promener dans un centre commercial et trouver des bibelots, des bijoux et des vêtements peu coûteux, d’inspiration autochtone, mais qui n’ont pas été fabriqués par des créateurs autochtones. Ces exemples sont des représentations inauthentiques ou limitées de l’art autochtone présentées dans des espaces courants et destinées à un large public, et ils sont un autre symptôme de l’appropriation culturelle. L’art utilitaire autochtone a peu de visibilité dans les institutions artistiques, et il n’a pas été acquis de manière fiable pour permettre une vente au détail qui contribue à l’essor de l’économie autochtone en raison de pratiques historiques soutenues et de la perception de valeur qui en découle.

L’appropriation culturelle a de graves répercussions sur les populations et les communautés autochtones en raison du vol et de la marchandisation de notre art, de la perception erronée de la valeur de notre art, de la déformation de notre image, de la mythification de l’histoire, de la repro duction du racisme, du manque ou de l’absence totale de leadership et de participation à la prise de décision, ainsi que du maintien d’économies appauvries. Cependant, des outils et des solutions pour lutter contre l’appropriation culturelle existent et continueront d’émerger. Pour qu’ils soient efficaces, nous devons promouvoir l’espace, appliquer les politiques et favoriser l’enchevêtrement des cultures.

« Le fait d’inviter une personne autochtone à participer à un projet sans lui accorder une quelconque autorité ou un pouvoir égal sur le projet est un symptôme de l’appropriation culturelle. »

La promotion d’un espace pour les arts et cultures autochtones peut prendre de nombreuses formes, comme l’embauche d’une organisation pour diriger un département dans une institution, la collaboration avec un artiste, un designer ou un collectif autochtone sur un pied d’égalité, ou la sollicitation de l’avis d’artistes ou des designers autochtones concernant les politiques ou les opérations d’une organisation. Un aspect important et vital de la collaboration à tout projet est la création d’un espace pour le leadership autochtone. Par exemple, notre équipe de la semaine de la mode autochtone de Toronto a approché le Harbourfront Centre afin qu’il présente notre festival dans ses locaux. Nous travaillons avec le Harbourfront Centre en tant que partenaire et non en tant qu’employé. Grâce à ce partenariat, nous avons eu l’autonomie nécessaire et la possibilité de mettre sur pied un festival qui présente la mode autochtone dans des formats artistiques, éducatifs et commerciaux qui ont une incidence positive sur la représentation, la visibilité et la compréhension de la culture autochtone. Dans le cadre de cette relation, le Harbourfront Centre a offert son expertise pour la production de notre grand festival, en assurant notre autonomie dans la production et la programmation du festival et en défendant notre travail aux échelons supérieurs. En disposant d’un espace conçu par et pour les artistes et designers autochtones dans les domaines de la mode, de l’artisanat et du textile, nous avons la capacité de nouer d’autres partenariats qui contribuent à soutenir, à encourager et à promouvoir les artistes autochtones et leur travail, par exemple les partenariats avec le grand magasin Simons, le Musée des beaux arts de l’Ontario et Nuit Blanche. Notre festival et les partenariats de ce type ont eu une incidence considérable sur les artistes avec lesquels nous travaillons. Nous avons vu des artistes se produire au Tate Museum de Londres, au Royaume Uni, et dans d’autres grandes galeries d’art, maintenir des commerces de détail en ligne à temps plein et lancer des entreprises de premier plan dans le secteur de la mode.

Alors que les créateurs et les dirigeants autochtones comme nous prennent l’initiative de créer des espaces comme la semaine de la mode autochtone de Toronto, les dirigeants non autochtones ont la responsabilité de faire respecter les règlements visant à protéger la culture, l’art et les communautés autochtones. En février 2020, la commission des droits de la personne de la ville de New York a pris ses responsabilités en concluant un accord avec Prada concernant la campagne de vente au détail et de marketing « Pradamalia » de 2018, qui comprenait de petits jouets ressemblant à des caricatures de « blackface ». En raison de l’application d’une politique de tolérance zéro à l’égard du racisme et de l’appropriation culturelle, le personnel de Prada à New York et les cadres de Prada à Milan suivront une formation culturelle, et Prada a reçu l’ordre de fournir pendant six ans la liste des membres de son personnel issus de la diversité. Deux autres excellents exemples de la manière dont la protection des arts et cultures autochtones peut être mise en œuvre sont l’Indian Arts and Craft Act, une loi sur les arts et l’artisanat autochtone qui interdit la publicité mensongère représentant de façon erronée les produits autochtones aux États Unis. Il est illégal d’offrir, de mettre en vente ou de vendre tout objet d’art ou d’artisanat qui suggère faussement qu’il est fabriqué par des Autochtones, qu’il est un produit autochtone ou qu’il est le produit d’une nation ou d’une organisation autochtone particulière. La nation Navajo et sa marque de commerce étaient protégées par cette loi lorsque l’entreprise Urban Outfitters a utilisé le nom de la nation Navajo pour vendre des petites culottes appelées « Navajo Hipster Panties », alors que celles ci n’avaient rien à voir avec la nation autochtone. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a également créé un guide intitulé Comment protéger et promouvoir votre culture : Guide pratique de la propriété intellectuelle pour les peuples autochtones et les communautés locales, qui explique comment le droit occidental de la propriété intellectuelle peut protéger la culture autochtone. L’OMPI a pris des mesures pour diffuser les connaissances et inciter les communautés autochtones à soutenir les créateurs autochtones en leur fournissant les outils nécessaires pour continuer à créer des œuvres tout en les protégeant.Il est essentiel de fournir des ressources, des connaissances et des formations aux populations autochtones et non autochtones afin d’assurer la protection de la culture autochtone et des œuvres faites par des créateurs autochtones. Cependant, la partie la plus importante de la création d’œuvres et d’œuvres culturelles autochtones significatives et respectueuses, ou de la promotion de relations diversifiées, consiste à prendre conscience de la façon dont nous travaillons ensemble et à nous y engager. Une publication intitulée Towards Braiding produite par Elwood Jimmy et Vanessa Andreotti présente la philosophie du « tressage » pour les relations professionnelles et institutionnelles. Le tressage est une philosophie et une ligne directrice qui permettent d’orienter les relations autochtones et non autochtones et qui invitent tous les collaborateurs à diriger et à travailler ensemble, sans effacer les modes de connaissance, les valeurs culturelles ou les méthodes de réalisation des uns et des autres. L’objectif est de tresser des relations qui ne symbolisent ni n’exploitent l’inclusion des individus autochtones, mais qui contribuent plutôt à des relations de travail solides grâce à la mise en commun des processus et des expériences. Cela peut devenir une tâche difficile, car les ensembles de règles et de méthodes établis devront évoluer, se développer et s’adapter pour inclure de nouvelles méthodes de travail.

« Il est illégal d’offrir, de mettre en vente ou de vendre tout objet d’art ou d’artisanat qui suggère faussement qu’il est fabriqué par des Autochtones, qu’il est un produit autochtone ou qu’il est le produit d’une nation ou d’une organisation autochtone particulière. »

On peut citer comme exemple un projet réalisé par l’organisation de la semaine de la mode autochtone de Toronto et le grand magasin canadien Simons. La manière dont les artistes et les designers autochtones créent et vendent leurs œuvres est très différente de la manière typique dont le grossiste de mode Simons crée et vend ses produits. Règle générale, les artistes autochtones créent des œuvres à petite échelle, et avec de petites équipes ou une seule équipe. Ils créent généralement des modèles au moyen de pratiques et d’images issues ou inspirées de plusieurs générations de connaissances culturelles. Certains designers ou artistes créent des œuvres spécialement pour leur famille, pour une cérémonie ou pour quiconque en fait la demande, et le respect des protocoles culturels et familiaux concernant le lieu et la manière dont leurs œuvres sont présentées ou vendues est laissé à leur discrétion. Enfin, il existe un marché autochtone fort qui prône un modèle de production « slow fashion » (mode au ralenti), qui honore la signification des œuvres, qui comprend à qui elles sont destinées et qui reconnaît la grande valeur de ces œuvres à titre d’œuvres d’art et de produits culturels. À l’inverse, un grossiste traditionnel produit généralement des vêtements à la mode avec de grandes équipes et avec l’intention de faire d’importants profits. Son public est généralement motivé, et n’est pas conscient des pratiques ou des intentions du grossiste traditionnel. Travaillant comme facilitateur et agent de liaison dans le processus, l’organisation de la semaine de la mode autochtone de Toronto s’est associée à Simons et à un groupe de huit artistes et designers autochtones afin d’embellir une partie d’une collection de vêtements conçus par Simons, qui seront vendus dans les magasins Simons. Dans le cadre de cette collaboration, l’objectif était de s’assurer que tous les collaborateurs étaient entendus et fournissaient les ressources nécessaires pour réussir. Au lieu de s’attendre à ce que la semaine de la mode autochtone de Toronto et les designers et artistes responsables du projet livrent la marchandise comme le font habituellement les grossistes, Simons a conclu un partenariat réfléchi et réciproque avec la semaine de la mode autochtone de Toronto, tout en faisant preuve de souplesse et d’ouverture. Les éléments pris en considération comprennent des mesures visant à garantir la liberté créative des artistes, à établir des calendriers et des modalités de paiement adéquats et réalistes, à gérer et négocier les risques pour tous les collaborateurs, et à diriger les communications publiques et les promotions. Cette collection n’a pas encore été mise sur le marché au moment d’écrire ces lignes, mais nous prévoyons que le projet sera couronné de succès et que la collection sera bien accueillie par les consommateurs et le public compte tenu de la qualité et de la variété du travail des artistes et de la couverture des médias.

Par le passé et encore aujourd’hui, l’appropriation culturelle a manifestement créé des barrières et des situations d’oppressions pour les populations autochtones, notamment à cause des récits inexacts concernant leur histoire et du mésusage ou du vol d’images et de symboles autochtones, de l’utilisation des visages de personnes issues de la diversité – que ce soit de façon symbolique dans des campagnes de marketing ou pour pouvoir répondre au critère de diversité, ou encore en perpétuant des pratiques historiquement oppressantes. Si la dénonciation de ces réalités par un Autochtone est souvent traitée comme une plainte mineure, il est important de savoir jusqu’où nous sommes allés pour pouvoir nous rendre là où nous souhaitons aller. Encourager les diverses cultures à travailler ensemble est une démarche politique. Il est important de prendre des décisions qui s’appliquent à tous les membres de nos communautés, et qui comprennent la création d’espaces propices à de nouvelles perspectives, l’application de politiques et de lignes directrices qui protègent les personnes, ainsi que le tressage significatif des cultures. On m’a appris à reconnaître que ce que je fais aujourd’hui aura des répercussions sur les personnes qui vivront dans sept générations. Pour pouvoir envisager un avenir florissant caractérisé par l’interconnexion dans une société mondiale, nous devons travailler ensemble et nous faire confiance en tant que collaborateurs égaux dans le cadre d’une relation où nous avons à cœur l’intérêt supérieur de tous les participants.


Sage Paul

Sage Paul est une Denesuliné tskwe de Toronto, membre de la Première Nation d’English River. Artiste et dessinatrice de mode primée, elle s’impose dans le monde de la mode, de l’artisanat et des textiles autochtones. Par son travail, elle cherche à concilier famille, souveraineté et résistance. Sage est aussi directrice artistique et fondatrice de la Semaine de la mode autochtone à Toronto. On a pu voir de ses œuvres aux Premiers jeudis du Musée des beaux-arts de l’Ontario, au Harbourfront Centre, au Centre for Craft, Creativity and Design de la Caroline du Nord, aux États-Unis, et lors d’un programme organisé à la Semaine de la mode de l’Ouest canadien par le collectif d’art contemporain Ociciwan. Sage a créé des costumes pour Kent Monkman, Darlene Naponse, Danis Goulet et bien d’autres encore. Elle fait connaître la mode autochtone, notamment lors d’engagements à la Maison du Canada à Londres, à la revue The Walrus, à l’Université Ryerson, à la Semaine de la mode féminine à Toronto et à la Semaine de la mode sud-africaine.

Récemment, Sage a présenté sa collection Giving Life au Festival Mode & Design de Montréal et à l’Ohtaapiahki Fashion Week (Calgary). Design Exchange et la Fondation RBC lui ont décerné le prix de la relève en design (« Emerging Designer Award ») en 2017 et elle a été reconnue comme une Femme d’influence (2018), une artisane du changement (« Change Maker ») par le Toronto Star (2018), une « cool girl » de Toronto par le magazine Vogue (2018) et une pionnière par la ministre de la Condition féminine de l’Ontario (2017). En 2019, elle était candidate au Prix Virginia et Myrtle Cooper pour la création de costumes et au Prix des arts autochtones, tous deux décernés par le Conseil des arts de l’Ontario. Sage siège au conseil consultatif de la Ryerson School of Fashion et aux conseils d’administration de Red Pepper Spectacle Arts et du Fringe Festival de Toronto. Elle enseigne la mode autochtone au Collège George Brown, dans la cadre d’un cours optionnel qu’elle a elle-même conçu.

« Alors que les créateurs et les dirigeants autochtones comme nous prennent l’initiative de créer des espaces comme la semaine de la mode autochtone de Toronto, les dirigeants non autochtones ont la responsabilité de faire respecter les règlements visant à protéger la culture, l’art et les communautés autochtones. »

Sage Paul

« Par le passé et encore aujourd’hui, l’appropriation culturelle a manifestement créé des barrières et des situations d’oppressions pour les populations autochtones, notamment à cause des récits inexacts concernant leur histoire etdu mésusage ou du vol d’images et de symboles autochtones…»

Sage Paul